Editorial

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Le petit prince […] sentait bien qu’il en sortirait une apparition miraculeuse, mais la fleur n’en finissait pas de se préparer à être belle à l’abri de sa chambre verte.[…] Sa toilette mystérieuse avait duré des jours et des jours. »

Ce texte, d’une simplicité et d’une vérité effrayante a changé à jamais mon regard sur le monde des plantes. Grâce à ces quelques mots, chaque bourgeon, chaque feuille a acquis pour moi une autre dimension : une dimension mystique et magique, comme tout ce qui est incompréhensible et beau. Ainsi, c’est de cette interminable et secrète distillation que naît l’architecture compliquée d’un baobab ou d’une rose. « Distillation » , « secret », « magique » : des termes qui évoquent plus l’ésotérisme alchimique que la science cartésienne. Pourtant, une fois encore, l’opposition n’est qu’apparente. Le grand Newton lui-même, si attaché à la mécanique des choses, a cherché dans l’alchimie le moyen d’étudier la nature. Car elle est une science naturelle qui s’articule sur la croyance que, comme les plantes, les métaux poussent en terre et se transforment… se transmutent. Une logique hermétique pourtant basée sur la symétrie et l’équilibre, ou toute chose est contrebalancée par son contraire. La nature a donc le pouvoir de soigner les souffrances qu’elle nous inflige : l’Hermès trismégiste, dieu alchimique par excellence, porte enroulé sur un axe (en réalité une croix) le serpent d’airain que Moïse cloua à la croix « afin que le peuple le vît et guérît de ses maux ». On trouve aujourd’hui ce symbole dans toutes les pharmacies !

Avec les Lumières, la science se dissociera de la magie pour finalement s’y opposer totalement. Les soins à base de plantes ne seront plus considérés que comme « des remèdes de bonnes femmes » et la jouvence de l’Abbé Soury (pourtant d’une exceptionnelle longévité) ne fera plus que sourire. Mais, avec le temps, la sagesse finit par gagner et les oppositions par s’affaiblir. Passé le règne des molécules de synthèse, on s’intéresse à nouveau aux plantes et, débarrassée de ses oripeaux magiques, la science chimique redécouvre les savoir-faire d’hier. Les plantes, « à l’abri de leur chambre verte », distillent des merveilles qu’à leur tour, les hommes distillent. Hommage aux alchimistes d’hier qui, en cherchant à changer le plomb en or, ne pensaient qu’a « achever l’œuvre de la nature ». 

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